Présentation du livre de raison 1





Ce petit livre (225 mm x 160 mm) écrit sur papier, est l’un des trois livres de raison de la famille Guirbaldy conservés à ce jour. Fragmentaire, il ne comprend que 34 pages dont 10 sont restées blanches. Sa reliure moderne du XIX e ne permet pas d’estimer l’étendue exacte des lacunes : certaines entre la première et la deuxième page, aucune autre ne peut être détectée ailleurs. D’autre part, la date inscrite en en-tête permet d’affirmer que la première page est la même depuis 1790.

Sa structure ressemble étonnamment à celle du livre de raison des Terrade, notaires du Bas Limousin. La fabrication de l’encre, si importante pour le notaire, est mentionnée dans les deux livres dès la première page. Tout aussi important est un cheval en bonne santé. Pour le purger ou le faire suer, les deux livres préconisent le fenugrec et la fiente dans laquelle les chevaux limousins devront se coucher (p.338), alors que les rouergats se verront obligés d’ingérer celle des rats.

Autre centre commun d’intérêt, le patrimoine foncier. Celui-ci est énuméré avec précision, tout contrat de mariage, tout testament y est clairement référencé.


Le 17 juillet 1790, Joseph Antoine Guirbaldy, dernier descendant mâle de la branche ruthénoise s’éteint à Rodez. Le livre de raison, ainsi que toutes les archives de la famille passe alors entre les mains de son beau frère et héritier universel Bernard Coignac. Alors que la majeure partie des papiers des Guirbaldy reste dans chez les Coignac, et qui se trouvent désormais dans le fonds Coignac des Archives de l’Aveyron, notre livre rentre à la Bibliothèque Nationale en septembre 1887, au côté d’un autre livre de raison écrit par Pierre Guirbaldy, ainsi que deux registres notariaux ; l’un daté de 1579, écrit par Etienne Coignac, l’autre écrit par Gabriel Coignac en 1626 et 1627, notaires de Rodez.


A. La rédaction
1. Début

Contrairement à ce qui a été inscrit sur la page de garde lors de son entrée à la Bibliothèque Nationale, la rédaction du livre n’a pu débuter au XVI e siècle. Le seul rédacteur ne se présentant pas est Jean Guirbaldy : la comparaison de l’écriture du folio 1 avec celle des nombreux écrits qu’il a laissés par ailleurs ne permettent en effet aucune confusion. Or, Jean est né peu après 1589 et ne commence sa carrière de notaire à Salles-la-Source qu’en 1614. Par conséquent, la rédaction de l’ouvrage ne peut débuter que vers le premier quart du XVII e siècle.

2. Fin

Le livre est complété pendant quatre générations successives jusqu’en 1734, avant le silence complet de celui qui aurait du poursuivre le travail de ses prédécesseurs, Joseph Antoine Guirbaldy. Ni sa position sociale enviable de juge de Rodez, puis de receveur des tailles, ni sa fortune confortable ne lui permettront de surmonter les deux épreuves majeures que sa famille va devoir traverser à cette époque.
Le premier scandale arrive par le grand-oncle et parrain de Joseph Antoine, Antoine Guirbaldy, recteur de la Madeleine, église du Bourg de Rodez, démolie en l’an VI.
En 1713, le pape Clément XI condamne dans la Bulle Unigenitus les propositions de l’oratorien Quesnel. Les thèses jansénistes veulent affirmer l’indépendance des prêtres face à l’autorité des évêques, soutenue par l’absolutisme de Louis XIV. Ainsi, les prêtres entendent composer un clergé spécifique, posé à côté et non plus au dessous des prélats.
Les Conférences ecclésiastiques, dirigées par Guirbaldy, avaient pour but la formation permanente des prêtres d’un diocèse, mais permettaient aussi aux évêques de mieux contrôler le clergé rural.
Ces conférences servent aussi de lieu de revendication. Acquis aux thèses néo-jansénistes, Guirbaldy forme avec Dominique de Rodat, curé de Saint Amans, un noyau dur, mené par Joseph Briane, recteur de Notre-Dame, contre la puissance épiscopale. Lutte rude, Rodat est « banni », Brianne mort, Guirbaldy est seul. meurt privé des sacrements le 21 août 1743
« 
Il fit ses premières études chez les Jésuites, et sa théologie chez les Dominicains. Il eut soin de se bien remplir de la doctrine de Saint Thomas, ce qui l’attacha à la vérité, et lui donna de l’horreur à la Bulle. Dès qu’il fut prêtre, le prieur curé de la Magdeleine connaissant sa piété et ses talents, se démit en sa faveur de sa cure. Son évêque voulut lui donner celle de Saint Côme, qui était plus étendue et d’un meilleur revenu ; mais M. Guirbaldy préféra l’autre, quoique pauvre, par un détachement assez rare. Il gouverna sa paroisse avec un soin tout particulier. Il était zélé, exact, libéral, et plein d’ardeur pour le bien. Son mérite l’avait fait choisir pour doyen rural et président des Conférences Ecclésiastiques, mais Monsieur de Saléon dès son entrée dans le diocèse, le destitua et le restreignit à sa paroisse. Ce bon curé ayant refusé de publier une lettre pastorale dans laquelle il était question de la Bulle , essuya de la part de l’évêque de furieux reproches, et ce prélat était résolu de procéder contre lui, lorsque ce vénérable vieillard tomba malade. Ce fut alors qu’il eut à soutenir de terribles assauts au sujet de la Bulle. Il mourut privé de sacrements le 21 août 1743, âgé de 86 ans. Il a laissé un acte où il renouvelle son adhésion à l’appel. » 


Second scandale, la lutte fratricide avec Guillaume, son cadet de deux ans. Alors que son frère aîné suivit avec assiduité les pas de ces ancêtres dans la magistrature,
Guillaume fut réfractaire à toute instruction et ne voulut pas de la vie rangée à laquelle il était destiné. Sa vie agitée est retracée par une correspondance fournie avec son aîné. Son tempérament ne peut se plier à la rigidité d’une famille et d’un aîné que M. Gaulejac n’hésite pas à qualifier de froid au coeur sec, tournant toute son affection vers ses sacs d’écus. Les décisions parfois radicales prises à l’encontre de Guillaume alimentent la rumeur dans la ville qui éclabousse la probité de ces honorables juges. Jean Joseph tenta de justifier par écrit l’attitude adoptée par son père et lui-même en exposant les méfaits de son turbulent frère :
Après avoir volé les domestiques de la maison, Guillaume n’hésite pas à voler la cassette de sa grand-mère, Marie Delauro, veuve de Bertrand Planard trésorier de France, avant de s’enfuir. Revenu sans le sou à Rodez, son père, juge de la ville, le fait jeter en prison, mais trouve moyen de s’en évader et repart sur les routes. De retour à Rodez, son père l’envoie alors au séminaire de Saint-Geniez où il ne tarde à voler 20 pistoles à l’un des prêtres. Il est alors mis au cachot par son père, et s’en échappe en en démolissant la muraille : à 19 ans, il est le fléau de ses parents. Engagé dans le régiment de la Couronne, il en est rapidement reformé. Lorsqu’il retourne à Rodez, son père est mort depuis mai 1737 ; sa mère l’envoie au séminaire de Laguiole en 1738 qu’il quitte rapidement. Nouvel échec lorsqu’elle l’envoie étudier en Gascogne : il mène une vie de libertin dans les cabarets. Jean Joseph hérite de son père et de sa mère. Les sommes mises en jeu attisent la convoitise de Guillaume : de l’héritage de leur père estimé à 94 285 livres tournois, il ne doit en percevoir que 6 500 livres. Guillaume menace alors son frère de brûler sa maison et de casser la cervelle. Jean Joseph tente en vain de l’éloigner définitivement de Rodez en l’envoyant dans les colonies, pratique qui n’est plus utilisée. Début 1740, la pension qu’il reçoit de son frère disparaît dans les cabarets ruthénois,
« où il passoient les jours et les nuits avec les méchants garnemens de la ville » . Il s’enfuit avec Françoise Albot pour rejoindre Toulouse avec l’argent que celle-ci avait volé à sa mère. Après Montpellier et Paris, il décide de rejoindre Rodez, malgré les ordres royaux, où son frère ne tarde pas à le dénoncer.Arrêté, il est transféré à la prison de Lourdes. Par la suite, il devient lieutenant dans la cavalerie après plusieurs tentatives dans d’autres corps d’armée.
Il est de retour à Rodez en 1783 , mais ne peut y résider 
«  faute par Monsieur Joseph Antoine Guirbaldy son frere receveur particulier des finances… d’avoir payé au requérant la somme de 40 000 l. a lui due sur ses droits légitimaires paternels et maternels » . Mais c’est alors qu’il peut mettre à exécution ses menaces proférées quarante ans plus tôt. Fort de lettres de débit de la Chancellerie du Parlement de Toulouse, il fait saisir les biens de son frère dans ses châteaux de Vabres et de Canac. C’est le coup de grâce pour Joseph Antoine qui venaient d’être éclaboussé par le scandale de la banqueroute de son beau-frère, Bernard Coignac, receveur des décimes.


C. Les rédacteurs

Jean II Guirbaldy, né peu après 1589. Fils de Jean I, notaire de Salles-la-Source de 1563 à 1614, et de sa troisième épouse, Izabelle Bissolis, fille de Aymeric Bissol, notaire de Salles, et veuve d’Antoine Viguier, notaire de Salles. Jean II est notaire de Salles de 1614 à 1641, greffier des consuls de Salles. Il épouse peu avant 1614 Françoise Terrieux, fille de Pierre, marchand de Salles-la-Source, et de Françoise Portale, cette dernière étant la belle sœur de Jean I. De santé fragile, il teste devant son demi-frère Me Viguier en 1628, 1634, 1636 puis en 1639 (note : 16J40). Il est contraint à passer son office notarial à son fils à Pierre dès 1640. Dès lors, ce dernier se place en position de chef d’ostal. C’est à lui de rédiger le livre de raison ; à lui de décider des transformations importantes de la maison de Salles en mars 1642 (note :NAF 6187 f° 125 r) Rien de commun avec son propre fils, Jean III, qui ne servira 40 ans plus tard que de simple secrétaire à son père.
En septembre 1641, l’ état de santé de Jean II ne s’arrange pas : Masson, médecin de Villecomtal ordonne alors une diète. Le malade doit garder la chambre, ne manger que de la chair fort délicate, fort rôtie, sans lard, et parsemée de cannelle ou de girofle ; du pain à l’anis très cuit ; des amandes rôties et du raisin d’Espagne. Le médecin prescrit outre des pilules à prendre à la fin de la diète, une décoction sudorifère à base de bois de gayat et de salsepareille, connus dans la pharmacopée pour combattre les maladies vénériennes.
Il décède le 2 février 1651 à Salles-la-Source, et est inhumé auprès de sa femme en l’église St loup de Salles.
Si l’on excepte d’éventuelles lacunes, sa participation au livre de raison est la moins importante : une seule page est de sa main (f°1 r). Les deux recettes qu’il transmet à ses enfants peut nous le faire percevoir comme un homme rural, près de ses écriteaux et de sa terre, dont le caractère semble s’effacer au profit de ceux, plus combattants, de son fils et de son père.

Pierre Guirbaldy, né et baptisé à Salles le 25 mai 1614. Fils de Jean I et de Catherine de Terrieux. Après une licence de théologie, il reprend l’office notarial de son père de 1641 à 1653. Mais ses aspirations le tournent vers Rodez, où il devient avocat. Il épouse avant 1645, Catherine de Prévinquières, issue d’une illustre famille, fille de Jean de Prévinquières, sieur de la Vaysse, et de Antoinette de Pons.
Il est le principal auteur du livre : sur 49 pages, 39 sont de sa main. Loin de se contenter comme ses successeurs de noter les baptêmes, les mariages et les inhumations, il raconte l’hostal dont il est le chef et qui dépasse le cadre de son ménage.
Il s’éteint à 74 ans, le 3 juin 1688 après avoir été par deux fois consul de la Cité de Rodez.

Les deux derniers rédacteurs qui suivent ne prennent la plume que pour inscrire les naissances et les décès qui se produisent dans la famille.

Jean Guirbaldy, né le 16 février 1645 , fils de Pierre et de Catherine de Prévinquières. Juge et baillif de Rodez, il devient en 1677 et en 1688 premier consul de la Cité de Rodez. Il se marie le 6 octobre 1677 avec Cécile de Rodat (1650-1734), fille de Guillaume, président du Présidial de Rodez, et de Marie de Maynard.
Sur huit enfants nés du couples, sept auront un marrain ou une marraine appartenant au clan des de Rodat, mieux établi que les Guirbaldy dans la société ruthénoise. Cette politique élective permet ainsi de renforcer et d’affirmer la position sociale de Jean acquise par son père au sein des édiles de la Cité.

Joseph Guirbaldy, né le 26 décembre 1681. Juge de Rodez, fils de Jean Guirbaldy et de Cécile de Rodat. Il est le dernier rédacteur du livre (du f°27 v au f°34 v ) en continuant simplement l’énumération des naissances et décès survenus au sein de sa famille. La famille s’est alors constitué l’une des plus importantes fortunes de Rodez : sa charge de juge à elle seule est estimée à 5000 livres.
La politique des parrainages change radicalement avec Joseph : la plupart des parrains et des marraines sont choisis parmi les domestiques, qui ne restent en général pas très longtemps au service de la famille (cf. autre livre de raison). La position sociale confortable désormais acquise ne nécessite plus de tisser impérativement de nouveaux liens avec les édiles : la famille se suffit à elle-même.
Quant au choix de deux pauvres de l’hôpital pour tenir sur les fonds baptismaux sont dernier enfant, cette pratique est dénoncée dès 1679 par Jean-Baptiste Thiers en laquelle il ne voit que l’avarice des parents . Mais d’autres pistes permettent de donner une explication plus honorable ????? Peut-être est-il possible d’y voir l’influence du janséniste Antoine Guirbaldy, recteur de la Magdeleine, son oncle.




D. Terroirs et rentes à Salles.
Ce livre est avant tout le livre de raison d’un bourgeois de Salles-la-Source ; il est empreint de ruralité. Pierre Guirbaldy est à la tête d’un capital foncier acquis depuis trois générations qui le place dans les premières fortunes de Salles. La position de chaque pièce est décrite précisément grâce aux confrontations, et aux repères géographiques immuables à travers les générations : la rivières du Crenau et d’Alys, la côte de Portespane. Pour décrire la para de Gabele par exemple (f° 9v), Pierre utilise les mêmes repères géographiques que ceux ayant servi 300 ans auparavant lorsque Jean Ier Comte d’Armagnac et de Rodez reconnaissant certains droits de justice au seigneur des Ondes, se réserve par ailleurs celle dans les confrontations suivantes :

Prout a cruce dicta de Sergueilha recte itur et tenditur descendo usque al rivum de Lys ; et a dicto rivo ascendendo usque al grinch de sobre la vinha dels Robertz, in quo grinch est quedam rupis cruce signata ; et a dicto grinch ascendo usque ad quandam aliam rupem que est in conspectu ulmi de Broa que rupis posita et in capite superiori combe, dicte de Agans, et est in rupe facta quedam crux ; et deinde incedendo per broas ad dictam ulmum de Brua, et de dicta Brua arbore eunde per broas et earum circuitum usque ad caput coste de Porta Spana ; et deinde usque ad malautariam seu leprosiam dici castri per dicta broas, et a dicta leprosia eunde per broasusque ad caput coste de l’Albinha, et a dicto capite coste usque ad quandam metam positamin via que est in podio de Frontelhs ; et a dicta meta descendo directe usque ad molendum heredum Petri Enjalbert, quod molendum est in rivo de crenau, ipso molendo versus dictum castrum et infra dictos limites remanente ; et a dicto molendino prout recte itur et ascenditur usque al grinch sive caput terre vocate de Sorbet ; et a dicto grinch eundo directe per broas dicti castri de Salis usque ad dictam crucem de Serguelha, non descendendo, nec intrando infra dictas broas.


Deux petits livres de compte (haut. 260 mm x larg. 90 mm) renferment les rentes perçues par les Guirbaldy à Salles. Le premier concerne la période 1641-1675 et le second couvre les années 1676 à 1738. Les tenanciers appartiennent à toutes les strates sociales. A côté des nombreux paysans de Salles-la-Source, nous trouvons quelques bourgeois ruthéniens, et même Hugues Guirbaldy, demi frère de Jean Guirbaldy. La liste de ces tenanciers fluctue au gré des ventes et achats, mais reste relativement stable d’une année à l’autre. Voici par exemple la liste des 103 tenanciers pour l’année 1641, telle que Pierre Guirbaldy l’a écrite:
Habitants de Salles : Maître Viguier, notaire ; Hugues Cayrousse dit reygieyres ; Jean David Brengou ; Jean Naujac dit Bagandou ; Pierre Garrigues dit Labernade ; Dominique Laurens dit Rafy.
Habitants du Bourg de Salles : Lionet Portal ; Pierre Vernhes ; Jean Galhac velhard ; François Carrat dit Flambade ; Amans Burg Gausseran ; Jean Solinhac Crozie ; Hugues Sanhes dit Balsergues ; Jean Lacoste dit Costris ; Anthoine Arnal nequi , Jean Raynal dit Moncet ; les héritiers de Galhard Raynal ; Anthoine Galtier dit Lafaye ; Anthoine Portes dit Guasparas, ; Jean Sanhes Lafortes ; François Bruset, tailleur ; Jean Bacbec Bibet ; Henri Louys Gibon ; Jean Portal dit tout blanc ; Jean Vareilhes Corbet ; Hugues Guirbaldy.
Habitants de Saint-Laurens : Amans Burg dit Peyroutou ; Jean Laporte dit Vidal ; Jean Vidal Caumelz ; Laurent Rey ; Estropy Boyé albinhard.
Habitants de Cornelach : les héritiers de Lavernhes dit lou teysseyre ; les héritiers de Jean Caste dit Joanas ; Pierre Bessoles vesenies.
Habitants de Saint Austremoine : Jean Vacquié artal, del Montel ; Jean Vermet, de Mernac ; Simon Roque, del Caupy.
Habitants de Marcillac : M. Jouéry ; Maître Dolieres ; Maître Roaldez ; Maître Gaventy, notaire.
Habitants de la paroisse de Vanc : Galhard Delmas ; les héritiers de Jean Arnal ; Arnal dit Bardot ; Antoine Bessoles dit Peyrou ; Jean Fraysse ; François Lateule, del Fourn ; Jean Girard Goyre ; Guillaume Cabrolier vernhes ; Jean Cabrieres ; Jean Soulié ; Jean Anthoine et Marie Rousset ; les héritiers de Martial Carnali ; Catherine Bessoles, veuve de François Bessoles ; Noël Lacombe ; Raymond Soulié ; François Bessoles Coysset ; Jean Segala Cany ; Anthoine Burg.
Habitants de Payrignagol : Louys Cabassut ; Pierre Noël Jeanneau ; Singla Pelous ; Jean Fayet gendre de Lombart ; Guillaume Calvet ; Pierre Boyer gendre de Thomas Cavalié ; Pierre Puech.
Habitants de Nusses : Jean Puech teulas ; Jean Rotgié ; Mansou de Serves ; Pierre Valette.
Habitants de Soyri et environs : Jean Rous, d’Agulhou ; Jean Pouget, de Sergueilles ; Pierre Portal, del Crès ; Jean Rous Cardayré, del Crès ; Philip Bousquet, del Crès ; Anthoine Lacalm de la Campie ; Anthoine Lavernhe de la Bertrandie.77
Habitants de Rodez : André Gaffard ; Maître Mottié, avocat ; Mademoiselle Dumas ; Maître Jouéry acesseur ; Maître Laurent Burguien prêtre ; Monsieur le prieur de Pernery ; Maître François Lescure ; Costy ; Capele, de Gamarus ; Masnau de Bosinhac ; Bernard Perié ; Monsieur Delauro, lieutenant principal, Maître Lavernhe.
Habitants d’Onet :Guillaume Vernhes ; Jean Savy ; Marc Gaubert ; Barthélémy Vaurés.
Habitants de Soussac : Martial Sabatier ; Paul Portal ; Pierre Tarayre ; Pierre Broal ; Hugo lo Rey ; Pierre Avès ; la veuve de Géraud Devese ; Pierre Cayrol dit Jean Roy.

Le rentes sont dues en argent, exprimées en sous tournois ou rodanois, en vin, en céréales. Par exemple, l’indivis dit de la Negrayrie rapporte 1 setier et une demi carte de froment, un setier d’avoine et une géline, à partager entre 4 tenanciers ; l’indivis de La Combie, situé sur le village de Saunhac ne rapporte que deux cartes de froment, six deniers rodanois et une poule ; la meilleure rente porte sur l’indivis de La Longanhe, partagé entre 8 tenanciers ( Bosquet, P. Bessoles Vesenies, G. Cabrolier vernhes , Maître Brenguien, Portal du Crès, G. Vernhes d’Onet, Lavernhe de Rodez et Delauro) apportant une rente de 1 setier de froment, deux cartes d’avoine, cinquante sous rodanois, une géline, et 15 hibernes de brebis.




E. Retour à Rodez


Son père malade, Pierre se voit dans l’obligation de prendre en charge l’office de notaire en 1641. Mais ses ambitions vont au-delà de son village natal : Rodez est à sa portée. En 1653, à peine deux ans après le décès de son père, il a vendu la moitié de ses biens, quitte l’office notarial et part s’installer rue Ballestière à Rodez où il commence une carrière d’avocat. Deux ans plus tard, il est deuxième consul de la Cité, avant d’en devenir le premier consul en 1667.
Pierre n’en abandonne pas pour autant Salles. Les biens qui lui restent lui apportent des rentes confortables et le placent toujours parmi les plus fortement imposés. Ses vignes sont une source principale de revenus, son vin lui permet de payer les gens de métiers ruthénois chez qui il s’approvisionne (cf. deuxième livre de raison). Greffier des consuls de Salles sa vie durant, comme son père et son grand-père, il rédige chaque année le rôle des tailles. L’attachement à la communauté n’est pas seulement financière et politique, elle est aussi spirituelle. Bravant la peur commune de voir les enfants mourir sans sacrement, il n’hésite pas à attendre entre cinq et huit jours pour faire baptiser les deux enfants qu’il aura en 1654 et 1657 en l’église de Saint-Loup de Salles. Et c’est encore dans son tombeau familial qu’il fera ensevelir l’un de ses enfants âgé de 5 ans en 1654.

Toutes ces charges conviennent à son esprit ordonné et rigoureux. A chaque charge son livre : deux petits livres de comptes pour les censives levées sur différents fiefs autour de Salles ; un livre de compte pour la vente du vin des vignes de Salles et de Marcillac ; et enfin un autre livre de raison sur lequel il couche ses comptes entre 1635 et 1688, et dans lequel il ne fait presque pas allusion à Salles : c’est en tant que ruthénois qu’il l’écrit. Mais ici, aucun compte, aucune référence à sa vie à Rodez : Pierre écrit ce livre de raison du point de vue de Salles. Dans quel but décide-t-il de scinder ces deux facettes de sa vie? Simple hasard de classification de sa part ?

Par plusieurs aspects, Jean I Guirbal est un exemple pour son petit-fils Pierre ; il est le personnage clé du livre de raison.

Exemple de par son origine tout d’abord. Alors que Pierre reste muet quant à des moments qui ont ponctué sa vie- le décès de ses parents, son propre mariage- il écrit, probablement fièrement, le lieu de naissance de son grand-père : Rodez, il vient de La Ville.
Jean I était fils de Raymond Guirbal, notaire de la Cité et de Catherine de Novéglise.
Famille de marchands et de notaires attestée à Rodez dès 1275, les Guirbaldy ont par ailleurs donné une quarantaine consuls à la Cité et au Bourg. Ses nombreuses alliances avec les familles les plus en vue de l’époque, telles les Résseguier et les Novéglise, en font l’une des plus riches du XVe siècle. En 1563, Jean I part à la conquête de Salles. En août, il se marie avec Rose Portal, fille de Jean Portal, notaire de Salles et prend bientôt sa succession jusqu’en 1617 ? , année où il décède à plus de 80 ans, (note : début de son testament : ……….). Rose hérite de ses parents ainsi que de son neveu Raphael Pradeles. Après le décès de Rose, dont il hérite, et un mariage avec Catherine de Lacourt de Marcillac, Jean I épouse Isabelle Bissolis. Fille d’ Aymery et petite fille de Jean Bissol, notaires de Salles, elle est veuve de Jean Viguier dont elle eut Antoine Viguier, tous deux notaires de Salles. A ces mariages avantageux qui lui apporte un patrimoine confortable, il sait se faire apprécier des villageois qui n’hésite pas à le couche sur leur testament lorsqu’il n’y a pas de descendants
Pierre note avec précision tous ces héritages comme pour légitimer la position sociale acquise très rapidement par son grand-père. Va-t-il essayer de justifier la position qu’il va acquérir lui-même tout aussi rapidement à Rodez ? La réponse est plus difficile. Un indice pourtant peut nous le faire penser, et pour cela il faut revenir deux cents ans auparavant, au XV
e siècle.

Guillaume Guirbaldy est l’un des plus riches marchands de la Cité : le livre d’estime de celle-ci le classe à la 3e position en 1450 (Thèse suau Noulens p. 193). Originaire du Bourg de Rodez dont il est consul en 1425, il quitte de la gache del Pas vers 1426 vers la Cité pour s’installer rue Nova Alta (Note : rue neuve actuelle) en est le consul en 1429-1431, 1435-1436 et 1444-1445 . La peste frappe régulièrement la ville à cette époque. Rodez connaît quatre épidémies en 1458  (Suau Noulens p 48). Malade, ainsi que toute sa famille, Guillaume teste le 28 mai de cette année, lors de la première épidémie (note : G 339 repère O 28 5 1458). Ses biens doivent passer à son premier aîné mâle , s’il survit, et dans le cas contraire, l’heritage passe de grain en grain jusqu’au dernier enfant auquel il substitue son neveu Bétho Résseguier, fils de son feu frère Guillaume Rességuier. Par contre, Bétho ne pourra hériter de son oncle qu’à la condition de relever son nom, et ainsi de s’appeler Béton Guirbaldy. Héritage inespéré pour un puîné, il n’hésite donc pas à changer de nom. La liste des consuls de la Cité témoigne de ce changement :
1456 : Bétho Rességuier .
1460 : Béto Garibal.
1465 : Bétho Garibaldi, alias Rességuier, marchand.
1470,1474 et 1487 : Bétho Garibal.
Guillaume Guirbaldy avait fondé une chapellenie dans la chapelle de Tous les Saints et qu’il avait doté d’un missel, d’objets liturgiques et de vêtements liturgiques, le tout déposé dans une caisse lui appartenant. Nul doute qu’il y soit enterré avec les siens.
Et c’est précisément dans cette chapelle que Pierre décide d’ensevelir les siens : simple coïncidence ? Une analyse datant du XVIIe s. du testament de Guillaume Guirbaldy portant la fondation de cette chapellenie, conservée dans les archives de Pierre au côté des testaments de son père et de son grand-père, peut faire penser le contraire. La mémoire familiale est très vive, comme le confirme un document de 1690, dans lequel Antoine Guirbaldy se réclame de la parenté de Pierre Guirbaldy, apothicaire du Bourg, lequel avait fondé une chapellenie à Ceyrac en 1494.
Ce choix ne semble donc pas aléatoire. En faisant élection de cette sépulture, Pierre cherche de nouveau à légitimer sa position sociale dans Rodez, il affirme son appartient à un hostal influent qui a participé à la destinée de la ville depuis plusieurs siècles, et dont il entend participer lui aussi.